Skip to main content

Du 19e siècle à nos jours

Après la Révolution, c’est le début d’une ère moins tourmentée pour Epfig.

Le XIXe siècle va permettre au village de s’épanouir grâce à un essor démographique entre 1801 et 1866. Epfig a eu de tout temps une vocation de village agricole et viticole, complété d’une activité d’artisanat, liée à l’agriculture.

Tous les bâtiments publics que l’on connaît aujourd’hui ont été construits au XIXe siècle : l’école des garçons en 1818, l’école des filles en 1856, la mairie en 1857, la maison de retraite et la gare en 1877.
Le train et le téléphone public arrivent en 1898 et l’eau courante en 1901. Le courant électrique est installé en 1911.

Il y a 5 bancs-reposoirs à Epfig, mis en place sous le second Empire : la barre du dessus sert à poser la corbeille que la femme transportait sur sa tête, celle du dessous à se reposer.

Le ban d’Epfig compte 25 croix et un calvaire. Elles marquent le drame, la gratitude, un événement familial ou un souvenir, ou matérialisent un lieu disparu.
La plus célèbre d’entre elles se trouve à Kollwiller. Elle marque l’endroit du village disparu.

La mutation de l’agriculture
On sait qu’en 1794, le ban de 2.225 hectares est réparti en 54,9 % de champs, 10 % de vignes, 19,1 % de prés, 0,29 % de jardins et 9 % de forêts.

En 1890, il n’y a plus que 39,5 % de champs, 28,3 % de prés, et la vigne occupe 12,5 %, les jardins 0,67 %, la forêt 11,2 %. En 1990, 34,6 % de champs, 19,77 % de prés, 25,16 % de vignes, 0,22 % de jardins, 13,48 % de forêt.

La Polyculture
Au XIXe siècle, le ban d’Epfig produisait toutes les céréales utiles aux hommes et aux animaux : le froment, l’orge, le seigle et le méteil en complément, l’avoine. Le maïs n’apparaît qu’en 1864.
La pomme de terre est le légume de base de l’Epfigeois et de secours en cas de mauvaise récolte céréalière. La ménagère cultive les légumes secs (haricots blancs, pois, lentilles, fèves) et le verger produit des pêches, des pommes et des poires (pour les fameux « Schnetz », tranches de fruits séchés, appréciés pour les « Beerewecke » à Noël). Le chanvre est aussi cultivé : sa tige fibreuse participe à l’habillement de l’Epfigeois et se graines produisent de l’huile. La betterave à sucre a remplacé le sucre de canne, bloqué outre-mer par le blocus anglais : de 8 hectares en 1837 on passe à 223 en 1859, puis retombe à 52 en 1866.

Le tabac
Il
assurait un revenu confortable jusqu’au milieu du XXe siècle. Sa culture est plus sûre que celle de la vigne, car à l’époque les prix du raisin fluctuaient au gré des récoltes et des négociants. Epfig a été le premier producteur tabacole du canton de Barr : sur 68 hectares de tabac plantés dans le canton, les Epfigeois en cultivaient 60. Lorsque tombait le « Düwackgald », les sous du tabac, les commerces retrouvaient des clients et les hommes allaient se faire couper les cheveux.
Néanmoins, la culture du tabac n’est rentable que si l’exploitation dispose d’une main-d’œuvre familiale suffisante et de coût réduit. A l’époque, quand un jeune se mariait, il recevait 8 ares de tabac en cadeau. Après la guerre, Epfig déclarait encore 145 planteurs et en 1970, le tabac occupait toujours 30 hectares du ban. Puis la viticulture a grignoté la polyculture.

Le Triomphe de la Vigne.  Les Romains installés sur la colline d’Epfig semblaient déjà apprécier le vin, tout comme les nombreux monastères qui possédaient mille ans plus tard des biens viticoles à Epfig. Au XIIe siècle, les couvents Saint-Thomas à Strasbourg, Baumgarten, Marbach, Munster, Unterlinden, et de nombreuses familles nobles possèdent des vignobles à Epfig.
Dès 1290, les actes parlent des lieux-dits Wolfsgruben, en 1312 de Hertenstein, en 1441 du Pflanzer.

Après la Révolution, la culture de la vigne s’est développée et les terrains les plus propices ont été sélectionnés. En 1828, le vignoble s’étendait sur 200 hectares, en 1837 sur 290, et en 1893 sur 495. On plante alors le klevner et le riesling, la moitié de la production étant vendue « à l’étranger », le reste consommé sur place : le « Trinkwein », plutôt léger, et le « bon » est réservé aux dimanches et jours de fête. Très tôt les Epfigeois ont été soucieux de la qualité de leur vin.

Au début du XXe siècle, le phylloxéra, un insecte originaire des Etats-Unis, parasite la vigne et provoque la maladie du même nom : c’est la catastrophe ! Ce fléau incite les viticulteurs à découvrir les variétés résistantes à la maladie : on pratique la greffe et les viticulteurs se spécialisent dans la production de greffons. Vers 1930, les traces de phylloxéra sont effacées : la vigne prend son véritable essor.

Le coteau sud d’Epfig est très propice à la culture de la vigne. Les sols sont faits de limon, d’argile, de sable et de cailloux, et conviennent à la plupart des cépages. 15 % de la production viticole epfigeoise est consacrée au sylvaner. Les riches sols argilo-calcaires conviennent davantage au tokay et au gewurztraminer, les sols plus caillouteux plutôt au riesling.

Aux environs de 1970, l’activité viticole d’Epfig a connu un essor. Les superficies des exploitations viticoles sont comprises entre 4,5 et 18 hectares et certains epfigeois exploitent des vignes en-dehors du ban d’Epfig.
Le travail de la vigne se motorise : la vendangeuse abat en une heure le travail que l’on effectuait manuellement en une journée. Les viticulteurs sont répartis en trois catégories : ceux qui produisent leur propre vin, ceux qui vendent leur vin vinifié au négoce, ceux qui apportent leur raisin à la cave vinicole.

Le bétail a toujours été particulièrement important pour Epfig et les bêtes de trait participent au travail quotidien de l’exploitation et lui fournissent l’engrais naturel indispensable. Plus le tas de fumier dans la cour était important, plus l’opulence du paysan était reconnue. Le petit bétail participe à l’alimentation familiale.

Le cheval fut un signe de réussite : les « Rossbüra » étaient mieux considérés que les « Ochsebierla » (qui utilisaient les bœufs pour le travail de la ferme). Les « Herrabüra », « les seigneurs », employaient des valets de fermes et des journaliers : ils ont disparu avec l’arrivée de la Sécurité Sociale, lorsque les charges sont venues s’ajouter aux salaires. En 1837, on comptait à Epfig 204 chevaux, après 1850 leur nombre décroît car on les remplace souvent par des bœufs qui sont moins coûteux et demandent moins de soins. Les chevaux et les bœufs étaient comptés pour connaître leur nombre en cas de guerre et de réquisition. En 1939, les chevaux ont été réquisitionnés par l’armée et on a longtemps travaillé avec des bœufs ou des vaches.

La vache rendait d’éminents services : son lait était précieux, les femmes faisaient du beurre avec la crème qu’elles revendaient au marché de Sélestat. Le fromage blanc fut consommé régulièrement, salé ou sucré, le petit-lait régalait les cochons, et la viande de la vache et du veau fut consommée également.

Le porc est présent dans toutes les fermes et tué jusqu’à 4 fois par an. Tout est utilisable dans le porc, de quoi passer d’une saison à l’autre sans dépenses excessives. Le lapin est une variante pour le repas du dimanche, tout comme la poule. Les coqs faisaient les menus des jours de fête, les poules d’un certain âge passaient au pot.

Des repas simples et bons. La viande n’était pas de tous les repas et on utilisait les fruits et légumes de son jardin, et la viande des animaux élevés à la ferme. Les « Eierkueche », sortes d’omelettes épaisses en pâte à crêpes, constituaient un menu complet. Les « Griespflutte » ou quenelles de semoule furent servies avec de la salade ou de la sauce tomate faite maison. La pomme de terre fut déclinée en bon nombre de mets, sans que ce ne soit jamais la même chose : « Wasserhardepfel » (à l’eau), purée, « Gebrateldi » (pommes rôties), « Gschwellti » (en robe des champs), « Kneppfle » (quenelles), farcies, etc. Les nouilles se font à la maison, et les soupes sont aimées de tous et le jardin fournit ce qu’il faut, légumes et herbes pour la parfumer. Parfois elle sert de repas complet. La mandarine et l’orange sont des fruits « cadeau de Noël », la banane ou l’ananas du grand luxe. On déguste les fruits au moment où ils poussent dans le jardin. On fait des tartes sublimes, des confitures savoureuses, des préparations sucrées-salées comme les cornichons, mais aussi des eaux de vie, « Quatschewasser » (eau de vie de prune) avec les « Glattsteinle », de petites quetsches ayant plus de noyau que de chair qui sont une autre spécialité du village.

Les métiers des Epfigeois. En 1836, on compte 750 actifs dont 448 travaillent dans l’agriculture (244 cultivateurs et laboureurs, 80 vignerons et 152 journaliers). Les artisans sont au nombre de 240. La plupart travaillent pour l’agriculture et la vigne : 10 charrons, 8 maréchaux-ferrants, des tonneliers, un sellier et un châtreur. Mais les artisans sont aussi nombreux dans l’alimentation (9 bouchers, 7 épiciers, 8 boulangers, 1 brasseur) et l’habillement (16 cordonniers, 10 couturières, 8 tailleurs) pour 2.942 habitants !

La Première Guerre Mondiale. Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le 31 août, l’ordre de mobilisation est affiché dans toutes les communes. Les hommes nés entre 1869 et 1897 sont incorporés de force dans l’armée allemande. Les hommes pensaient que la guerre serait courte et qu’ils seraient de retour à Noël. L’anxiété est constante, même si les batailles ne touchent pas Epfig. Le bilan de la guerre est lourd pour Epfig : 65 hommes ne sont pas revenus de la guerre. Leurs noms figurent sur le monument aux morts. L’armistice a été signé le 11 novembre 1918.

La Drôle de Guerre. Le 3 septembre 1939, c’est la guerre. Au Dreispitz, sortie nord d’Epfig, les gendarmes arrêtent les gens : « C’est la mobilisation générale ! ».  A Epfig, l’angoisse monte. Le 117e régiment d’artillerie, monté de Toulouse, loge alors à Epfig alors que ses canons sont en batterie sur la ligne Maginot, il y restera durant 7 mois. C’est par le nord que viendra la première attaque, le 10 mai 1940. Les Allemands sont là en juin 1940. La salle Notre-Dame sert de camp de prisonniers pour les soldats français. Les soldats allemands sont restés à Epfig environ 3 semaines. Le maire est destitué en décembre 1940, le conseil municipal est dissolu. Les instituteurs avaient pour mission l’endoctrinement de la jeunesse alsacienne, leur adjoignant des instituteurs allemands. Le 7 mai 1941, c’est la mise en route de la défrancisation, à appliquer à partir du 15 mai. Quelques Epfigeois récalcitrants et francophiles furent expulsés dès 1940. La statue de la Vierge qui se trouve actuellement au-dessus de la porte de la salle Notre-Dame a été cachée pour ne pas être fondue et devenir un canon pour le Reich : elle fut retrouvée le 2 décembre 1944, le lendemain de la Libération. Le 28 août 1942, on décrète l’incorporation de force des jeunes Alsaciens. A Epfig, les premiers sont partis le 14 octobre 1943 et furent au nombre de 154 : 42 ne sont pas revenus, tombés pour la plupart sur le front de l’Est. Nombre d’Epfigeois ont parcouru un très long chemin avant de retrouver leur foyer après l’armistice. Le 23 novembre 1944, Leclerc est entré avec la 2e DB dans Strasbourg, le 30 novembre les tirs se calment un peu à Epfig. Le clocher de l’église a été visé par les Américains depuis Villé, faisant un gros trou dans le chœur, cassant les vitraux et abîmant l’autel avec les gravats.

Char de la 2DB
Libération
Fête de la libération

Epfig a été libérée par la 103e division d’infanterie, 6e corps d’armée de la 7e armée américaine. A l’aube du 1er décembre, les chars les Jeeps sont arrivés. 15 jours plus tard, c’est la 2e DB qui est arrivée. Les soldats ont appris comment peut être chaleureux un Noël  en Alsace, même en temps de pénurie.  Deux soldats ont laissé leur cœur à Epfig et sont revenus s’y marier. Le mois de décembre est encore bien désorganisé et Epfig est resté sans courant pendant près de 2 mois.

L’après-guerre a vu apparaître les premiers tracteurs, proposés par le plan Marshall. Ils coûtent le prix d’un bon bœuf et fonctionnent au pétrole.

Le 12 mai 1946, Epfig organise une grande fête de la Victoire et de la Libération. Un grand cortège a traversé tout le village : chars chevaux, Alsaciennes aux nœuds et tabliers brodés de bleuets, de marguerites et de coquelicots. La flèche du clocher de l’église fut illuminée d’ampoules multicolores et feux d’artifices, mais une étincelle a mis le feu à la charpente. La population a fait la chaîne dans l’escalier du clocher en se passant des seaux de main en main, et le feu fut éteint.

Le caractère spécifique du village d’Epfig est modelé par le milieu, les lieux, le mode de vie, les us et coutumes, les traditions et le vécu que sa population s’est transmis de génération en génération. 

Les Epfigeois se faisaient surnommer « D’Riebsandlecher » : le sommet de la colline où est perché Epfig  est truffé de galeries qui fournissaient un sable blanc très fin. Les Epfigeois l’extrayaient pour le vendre alentour.

Les métiers d’antan. Au restaurant « A la couronne » se tenait une fabrique de limonade. Au début de la rue Grien un tissage a fonctionné jusqu’en 1908. En plus de la fabrique, nombre d’Epfigeois avaient chez eux un métier à tisser. Une manufacture de cigares existait rue Finkwiller avant la première guerre et entre 1940 et 1944. Rue Finkwiller il y avait une tuilerie, démolie en 1944. Près de la gare, une autre briqueterie a démarré début du siècle. Autre spécialité d’Epfig entre les deux guerres : les « Pflatsche ». Il s’agissait de mini-commerces, du particulier au particulier, que vendaient des bouteilles de bière essentiellement.

Les puits : il en reste de très beaux avec toit et roue. A partir de 1901, l’eau courante a alimenté les éviers et les puits ont été peu à peu négligés. Servitude et copropriété d’un puits ont causé bien des problèmes là où l’usage en était partagé. Le partage des dépenses liées à la réparation des puits devient conflictuelle.

Une ville jumelle en Belgique, à Welkenraedt, ville wallone de la province de Liège. Le 27 septembre 1970, une délégation d’environ 80 Epfigeois fut reçue à Welkenraedt. Le 12 septembre 1971, Epfig recevait un grand nombre de citoyens de Welkenraedt. L’entente s’est nouée aisément, malgré la différence de 5.000 habitants contre 1.700 à l’époque du jumelage. Les échanges demeurent réguliers, les amitiés se renforcent au fil des décennies.